Depuis la sortie de Take Me Back to Eden (2023), et plus récemment Even in Arcadia (2025), Sleep Token est passé du statut de groupe mystérieux à celui de phénomène mondial. Wembley Arena complète en quelques minutes, têtes d’affiche de festivals géants, succès critique et commercial : Vessel et ses musiciens ne sont plus des outsiders.
Pourtant, une question demeure : pourquoi leurs tournées européennes incluent-elles rarement la France, l’Espagne ou l’Italie, alors que le Royaume-Uni et l’Allemagne bénéficient systématiquement de plusieurs dates ?
Cet article revient en détail sur les facteurs qui expliquent cette situation, en se concentrant sur Sleep Token mais aussi sur le fonctionnement global des tournées metal en Europe.
Un constat frustrant pour les fans français, espagnols et italiens
- En 2024, Sleep Token a ajouté une date en France, à Lyon (Décines-Charpieu), uniquement après de fortes demandes des fans. Cette date n’était pas prévue initialement, tout comme celle de Zurich, ajoutée dans le même mouvement.
- À Paris, le groupe n’a joué qu’en première partie de Linkin Park à La Défense Arena, ce qui n’était pas un véritable concert en tête d’affiche.
- L’Espagne et l’Italie n’ont bénéficié d’aucune date lors de cette même tournée.
- Ce schéma se répète régulièrement : plusieurs concerts sont programmés au Royaume-Uni et en Allemagne, mais les pays latins se retrouvent souvent écartés ou limités à une seule escale.

Des obstacles logistiques hérités du Brexit et de la géographie
Même si Sleep Token n’est plus un groupe émergent, il reste soumis à des contraintes lourdes qui influencent toutes les tournées européennes :
- Brexit et paperasse : carnets ATA pour le matériel, assurances, douanes, merch soumis à de nouvelles taxes… autant d’éléments qui augmentent drastiquement les coûts.
- Cabotage : des règles strictes limitent les déplacements avec du matériel entre plusieurs pays européens, complexifiant les tournées en itinérance.
- Transport coûteux : trucks, ferries, essence, fret aérien parfois… Certains groupes ont estimé perdre plus de 4 000 £ sur une tournée française à cause de ces frais cumulés.
- Décalage géographique : il est plus simple et rentable de traverser l’Allemagne (où chaque ville de taille moyenne peut remplir une salle) que de descendre jusqu’en Espagne ou en Italie, ce qui ajoute du temps et des frais logistiques sans garantie de rentabilité.
Un problème de rentabilité et de taille de marché
Au-delà de la logistique, la réalité économique reste centrale :
- Les tourneurs cherchent à maximiser la rentabilité : un concert doit couvrir non seulement la salle, mais aussi le transport, le staff, le merch, etc.
- Certains marchés (notamment la France, l’Espagne et l’Italie) sont jugés moins fiables en termes de remplissage, sauf pour les très grands noms du metal.
- Pour des groupes comme Sleep Token, en pleine ascension mais pas encore au stade des stades, il est plus sûr de concentrer les efforts sur des pays où le public est massif et constant.
- L’évolution de la carrière joue aussi : passer de salles de 250 à 1 500 places, puis aux arènes de 10 000, demande une stratégie graduelle.

L’Allemagne et le Royaume-Uni : deux bastions incontournables
Si l’Allemagne et le Royaume-Uni sont systématiquement privilégiés, c’est parce qu’ils offrent un terrain bien plus favorable :
- L’Allemagne est sans doute le pays le plus solide pour le metal au monde : une fanbase énorme, fidèle, capable de remplir même les petites salles locales. Des festivals majeurs comme Wacken ou Rock am Ring en témoignent.
- Le Royaume-Uni est la terre d’origine de Sleep Token. C’est là qu’ils ont bâti leur réputation et qu’ils peuvent remplir Wembley Arena ou d’autres grandes arènes.
- Ces deux marchés disposent de circuits de tournées robustes, bien connus des promoteurs, qui garantissent presque toujours des bénéfices.
Le cas particulier de l’Italie et de l’Espagne
Des témoignages de musiciens et de fans pointent plusieurs freins spécifiques :
- Italie : fiscalité lourde, taxes élevées, perception d’un public moins réceptif au metal contemporain. Certains groupes affirment avoir eu des pertes financières sur leurs dates italiennes.
- Espagne : éloignement géographique obligeant à rallonger la tournée, faiblesse relative du marché metal par rapport à l’Allemagne ou aux pays nordiques.
Résultat : beaucoup de groupes, même populaires, choisissent de « sauter » ces pays pour se concentrer sur l’Europe du Nord et centrale.
Sleep Token : un groupe en transition vers le statut de headliner international
Malgré ces contraintes, Sleep Token a franchi des étapes impressionnantes :
- Concerts complets en arènes (Wembley Arena, 12 500 places).
- Premières parties prestigieuses (Linkin Park, Bring Me The Horizon).
- Présence en têtes d’affiche de festivals internationaux dès 2025.
Le groupe est en train de consolider sa capacité à remplir partout, mais reste dans une phase de transition : pour l’instant, il préfère sécuriser les marchés sûrs avant d’étendre systématiquement ses tournées aux pays latins.

Si Sleep Token donne peu de concerts en France, Espagne ou Italie, ce n’est pas par désintérêt. Les raisons sont avant tout logistiques, économiques et stratégiques :
- Les coûts du Brexit et des tournées transfrontalières.
- La rentabilité incertaine dans certains pays.
- La force incomparable du public allemand et britannique.
Toutefois, la dynamique est en train de changer. Le succès massif de Take Me Back to Eden et Even in Arcadia montre que le groupe peut désormais prétendre à remplir des salles de grande capacité. À mesure que leur statut de headliner s’affirme, il est probable que la France, l’Espagne et l’Italie bénéficieront d’une place plus régulière dans leurs futures tournées.
