Singles et reprises


Sommaire


Dans sa discographie, Sleep Token a également réalisé quelques singles qui n’apparaissent pas dans les albums du groupe, ainsi que des reprises, figurant essentiellement sur l’album Deluxe de Sundowning.

Les singles

Parmi les singles de Sleep Token qui n’ont pas été ajoutés aux albums, on compte deux titres Jaws et The Way That You Were, sortis en 2018.

Jaws

Jaws est un morceau très intense de Sleep Token, sorti en 2018 entre les deux EPs (One et Two), à une époque où le groupe expérimentait beaucoup avec les textures électroniques, les ambiances sensuelles et les dynamiques contrastées.

Analyse musicale de « Jaws »

Musicalement, Jaws illustre bien cette période de transition où Sleep Token explorait des sonorités électroniques, trip-hop et R&B, tout en gardant cette tension émotionnelle caractéristique.

  • Intro et couplets : Très dépouillés, avec une ambiance presque sacrée, éthérée. La voix de Vessel est douce, sensuelle, presque chuchotée. On y retrouve les influences de James Blake ou de The Weeknd, avec un mélange de fragilité et de désir.
  • Refrain / Explosion : La chanson explose dans une section beaucoup plus heavy avec une instrumentation saturée, probablement influencée par des éléments de post-rock ou même de metal alternatif. Cette rupture brutale incarne littéralement les « jaws » (mâchoires) qui se referment.
  • Structure : La répétition du refrain accentue la dimension obsessionnelle et presque rituelle du morceau. Il y a un crescendo émotionnel qui ne se résout jamais complètement.

Analyse des paroles

Symbolisme central : « Pretty white jaws »

Le titre Jaws évoque immédiatement une image de prédateur, de danger, mais le terme « pretty » (jolie) et la couleur blanche ajoutent une nuance troublante. On est dans un imaginaire sensuel et dangereux, presque vampirique.

Dualité et rapports de pouvoir

« I’m not here to be the saviour you long for / Only the one you don’t »

Il y a ici une déclaration de refus : le narrateur ne veut pas être idéalisé, il ne veut pas être celui qui sauve, mais plutôt une figure ambivalente, peut-être toxique, mais réelle. Cela renforce un thème récurrent chez Sleep Token : l’imperfection de l’amour, le rejet du fantasme idéalisé.

L’œil du prédateur

« Are you watching me, with eyes of a predator »

On renverse ici la perspective : ce n’est pas lui le prédateur, mais l’autre. Le regard est scrutateur, dangereux, et attire. Il y a une tension sexuelle palpable, où le danger devient attirant. On sent une dynamique de domination/soumission, ou du moins une fascination mutuelle pour les parts sombres de chacun.

Obsession et dévoilement

« Show me those pretty white jaws, show me where the delicate stops / Show me what you’ve lost… »

Le refrain répète une demande presque incantatoire : voir ce qu’il y a sous la surface, voir la violence, la blessure, la perte. C’est une quête de vérité brute, mais aussi une manière d’appeler une forme d’amour qui passe par l’exposition de la vulnérabilité.

Thèmes clés

  • Amour toxique / passion dévorante : Une relation où l’attirance est indissociable du danger.
  • Voyeurisme et regard : Le regard comme arme, comme lien de pouvoir.
  • Vulnérabilité vs prédation : Le besoin d’être vu, même dans ses pires aspects.
  • Refus d’un rôle messianique : Le rejet de l’image du sauveur, au profit d’une connexion plus brute et honnête.

Jaws est un morceau fascinant dans la discographie de Sleep Token. Bien qu’il soit souvent éclipsé par les albums, il représente une sorte de pont entre l’introspection douce des débuts (Sundowning en gestation) et les expérimentations plus violentes à venir. C’est une chanson sur la tension, le désir, et la peur, enveloppée dans une sensualité électrique.

Vessel y apparaît plus vulnérable que jamais, mais aussi plus lucide. Il voit la beauté dans la mâchoire prête à se refermer – et demande, encore et encore, qu’on lui montre tout.

The Way That You Were

The Way That You Were est l’un des singles les plus poignants de Sleep Token, sorti en 2018 comme Jaws, et appartenant à cette période charnière de leur discographie, entre les EPs One et Two. C’est une chanson à la fois douce et glaçante, marquée par une charge émotionnelle lourde et un regard très intime sur la souffrance de l’autre.

Analyse musicale

Musicalement, la chanson s’inscrit dans une veine très minimaliste, proche de la soul atmosphérique, avec une instrumentation épurée. Ce dépouillement sert parfaitement le propos : tout est centré sur la voix de Vessel, qui oscille entre douceur réconfortante et désespoir contenu.

  • Ambiance : onirique, crépusculaire, presque comme un murmure dans l’obscurité. Le morceau ne cherche pas la catharsis comme Jaws, il reste suspendu, figé dans le passé.
  • Interprétation vocale : extrêmement expressive, avec cette capacité propre à Vessel de faire passer la compassion, l’amertume, l’impuissance et la tendresse dans une même phrase.

Analyse des paroles

Le titre : « The Way That You Were »

Le titre évoque la nostalgie, mais aussi la douleur : on parle ici de quelqu’un qui n’est plus comme avant, et pas forcément parce qu’iel a changé volontairement. Il y a une forme de deuil implicite : la personne qu’on a connue a été détruite, usée, blessée.

Perte de l’innocence et fatigue émotionnelle

« We are not young enough to know / How to sit and say nothing like we would »

Cette phrase d’ouverture est magnifique. Elle exprime la perte de cette innocence juvénile qui permettait autrefois de simplement être, en silence, ensemble. Il y a ici la conscience de l’âge, du poids des expériences. L’usure est tangible.

Observation douloureuse de l’autre

« And you think I don’t notice / The way that you were »

Le refrain martèle cette phrase, comme une incantation. Il ne s’agit pas seulement de constater un changement, mais de voir la douleur de l’autre malgré ses efforts pour la cacher. Il y a ici une profonde empathie, une volonté de rappeler à l’autre qui il ou elle était, pour mieux comprendre ce qu’iel est devenu·e.

L’image du suicide ou de la mort intérieure

« To tear that knife from what once / Would have been dead fingers / Lying blue against the floor »

Cette image est brutale, dérangeante. On est clairement face à une allusion à la tentative de suicide, ou du moins à une extrême détresse. Le narrateur veut arracher le couteau — symboliquement sauver, extirper la douleur. Mais cette douleur est tellement ancrée qu’elle semble avoir tué la personne de l’intérieur.

Une demande de vérité, d’exposition des blessures

« Come on, tear off the bandage / The way that you were / With pain as your language »

Encore une fois, le thème du dévoilement revient. Comme dans Jaws, il s’agit d’enlever les masques, de laisser paraître les plaies, même si cela fait mal. L’amour ici, c’est voir l’autre vraiment, dans sa souffrance nue.

L’enfance brisée et les abus sous-jacents

« How much did they hurt you? / How much did they break you? / How far did they take you? »

Ces lignes finales sont accablantes. Elles suggèrent une histoire d’abus, de manipulation, de destruction psychologique (ou physique). Le « they » est volontairement vague — des parents, une institution, un ou plusieurs bourreaux. On ne saura jamais. Mais l’impact est clair.

The Way That You Were est une chanson profondément triste, presque funéraire. Elle parle d’un amour qui tente de survivre à la ruine intérieure de l’autre, d’une empathie désespérée, d’un espoir qui persiste malgré l’effondrement. C’est une lettre d’amour adressée à une personne détruite, avec une tendresse infinie et une douleur muette.

Là où Jaws incarnait la tension sexuelle et le danger, The Way That You Were explore la vulnérabilité pure, le chagrin de voir l’autre se perdre. C’est une méditation sur le trauma, la mémoire, et la résilience silencieuse.

Les reprises

Les reprises de Sleep Token méritent clairement qu’on s’y attarde, car elles ne sont pas de simples covers : ce sont des réinterprétations profondément marquées par l’univers du groupe, avec une esthétique, une émotion et une approche sonore totalement transformées.

single sleep token - Vessel jouant du piano avec son masque intégral

Is it Really You – Loathe

Une reprise live enregistrée à l’occasion d’une collaboration très symbolique avec Loathe (un groupe proche esthétiquement et émotionnellement de Sleep Token). Cette version est presque sacrée, Vessel se réapproprie le morceau avec une intensité vocale bouleversante. Ce choix souligne les liens artistiques entre les deux groupes, et leur intérêt commun pour la mélancolie, les atmosphères lourdes et les explorations intérieures.

Hey Ya – Outkast

Reprise surprenante à première vue, mais qui devient très cohérente dans le style from the room below. Sleep Token transforme ce morceau festif en ballade triste et introspective. Vessel fait ressortir la détresse contenue dans les paroles originales — souvent oubliée derrière le rythme dansant de la version d’Outkast.

When The Party’s Over – Billie Eilish

Ce morceau se prête déjà bien à l’univers de Sleep Token : il est minimaliste, lent, triste. Vessel y apporte cependant une vulnérabilité différente, plus cathartique. L’émotion y est poussée à l’extrême, presque douloureuse. C’est peut-être la reprise la plus évidente dans leur style.

I Wanna Dance With Somebody – Whitney Houston

Une autre reprise étonnante, où l’on passe de l’euphorie pop des années 80 à une version douloureusement lente et solitaire. Vessel y insuffle un désespoir latent, une forme de solitude dans le besoin d’amour et de connexion — totalement à contre-pied de l’originale, mais cohérente avec la thématique récurrente de l’amour impossible chez Sleep Token.

Le 12 novembre 2021, à Torquay (Angleterre), Vessel a interprété sur la scène de The Foundry la musique de Whitney Houston au synthétiseur, entraînant avec lui les spectateurs qui se sont mis à chanter en cœur avec lui.


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